Au cours des dernières décennies, l’informatique a cessé d’être un domaine réservé aux experts pour devenir une compétence fondamentale, presque aussi indispensable que la lecture ou le calcul. La France, longtemps critiquée pour son retard en matière de numérique, connaît aujourd’hui une véritable révolution dans l’apprentissage informatique. Cette transformation touche aussi bien le système éducatif que le monde professionnel, avec une démocratisation sans précédent des formations, des outils et des usages.


1. Les origines : un apprentissage réservé aux spécialistes

Jusqu’aux années 1980, l’informatique était perçue comme une science élitiste, réservée aux ingénieurs, chercheurs et techniciens. L’introduction des premiers ordinateurs dans les entreprises, puis dans certains établissements scolaires, a marqué une étape décisive. En France, l’un des programmes emblématiques fut le plan Informatique pour tous (IPT), lancé en 1985. Il visait à initier les élèves à l’usage des ordinateurs et à familiariser la jeunesse avec les langages de programmation de base comme le Logo ou le Basic.

Malgré son ambition, ce programme s’est heurté à plusieurs obstacles : manque de formation des enseignants, coûts élevés du matériel et absence d’une véritable stratégie nationale de long terme. Résultat : l’informatique est restée une matière marginale dans le système éducatif français, sans la place centrale qu’elle aurait pu occuper.


2. Le tournant du numérique et d’Internet

Les années 1990 et 2000 ont bouleversé les pratiques. L’arrivée d’Internet et du multimédia a rendu l’ordinateur incontournable dans la vie quotidienne. Les foyers français se sont équipés progressivement, et les générations d’élèves ont commencé à manipuler ordinateurs, messageries électroniques, puis réseaux sociaux.

Dans les établissements scolaires, l’informatique n’était toujours pas une matière à part entière, mais des dispositifs comme le Brevet informatique et Internet (B2i) ont tenté d’évaluer les compétences numériques de base des élèves. Cependant, ces certifications restaient plus théoriques que pratiques, et leur impact a souvent été jugé limité.

En parallèle, les universités et grandes écoles françaises ont commencé à intégrer des modules d’informatique dans leurs cursus, notamment pour les filières scientifiques et techniques. Mais l’accès restait restreint et souvent cloisonné.


3. L’explosion des besoins en compétences numériques

À partir des années 2010, l’économie numérique a pris une ampleur considérable. Les entreprises de tous secteurs ont été confrontées à la transformation digitale : e-commerce, big data, intelligence artificielle, cybersécurité, cloud computing… Cette mutation a généré une demande massive de professionnels qualifiés en informatique.

Selon les études de la Commission européenne et de Pôle emploi, plusieurs centaines de milliers de postes dans le numérique sont à pourvoir en France chaque année. Or, l’offre de formation traditionnelle, notamment universitaire, ne suffisait pas à combler ce déficit.

C’est dans ce contexte qu’a émergé une nouvelle vague de formations : écoles 100 % numériques, bootcamps intensifs, MOOC en ligne, et initiatives publiques comme la Grande École du Numérique. Ces dispositifs ont permis d’ouvrir l’apprentissage informatique à des publics plus variés : jeunes sans diplôme, demandeurs d’emploi en reconversion, professionnels cherchant à monter en compétences.


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4. La place de l’informatique dans l’Éducation nationale

Un autre tournant majeur s’est produit avec l’intégration de l’informatique dans les programmes scolaires. Depuis 2019, la discipline « sciences numériques et technologie » (SNT) est obligatoire en seconde générale et technologique. Les lycéens y découvrent des notions essentielles : Internet, réseaux sociaux, données structurées, programmation, impact du numérique sur la société.

Par ailleurs, en classe de terminale, les élèves peuvent choisir la spécialité Numérique et sciences informatiques (NSI), qui approfondit les concepts d’algorithmes, de bases de données, de langages de programmation et d’architecture des machines. Cette spécialité, plébiscitée par de nombreux élèves, marque la reconnaissance officielle de l’informatique comme discipline scientifique à part entière.

Au collège, des initiations au code sont également proposées, souvent via des outils ludiques comme Scratch, afin de rendre la programmation accessible dès le plus jeune âge.


5. Les acteurs privés et associatifs : catalyseurs de la révolution

En parallèle des réformes scolaires, de nombreuses initiatives privées et associatives ont contribué à populariser l’apprentissage informatique. Parmi elles :

  • Simplon.co : un réseau de fabriques solidaires du numérique qui forme gratuitement des personnes éloignées de l’emploi.
  • 42 : l’école fondée par Xavier Niel, sans professeurs ni cours magistraux, basée sur l’apprentissage par projets et la collaboration entre étudiants.
  • OpenClassrooms : une plateforme française devenue internationale, proposant des parcours diplômants en ligne dans différents métiers du numérique.
  • La Grande École du Numérique : un label qui regroupe des centaines de formations en informatique accessibles à tous, financées en partie par l’État.

Ces acteurs ont permis d’ancrer une vision inclusive de l’apprentissage informatique, en démontrant que le numérique pouvait être un levier d’insertion professionnelle et sociale.


6. La montée en puissance de l’autoformation et des MOOC

Un autre aspect central de la révolution en cours est la démocratisation de l’autoformation grâce à Internet. Les MOOC (Massive Open Online Courses) et les tutoriels en ligne ont ouvert l’accès au savoir informatique à des millions de personnes.

Aujourd’hui, il est possible d’apprendre à coder en Python, de maîtriser l’intelligence artificielle ou de se former à la cybersécurité depuis chez soi, gratuitement ou à moindre coût. Des plateformes comme Coursera, Udemy, edX ou encore YouTube regorgent de contenus pédagogiques.

Cette accessibilité a transformé le rapport à l’apprentissage : il n’est plus nécessaire de passer par une institution traditionnelle pour acquérir des compétences recherchées. L’informatique est ainsi devenue l’un des domaines les plus ouverts à l’auto-apprentissage.


7. Les enjeux de l’inclusion numérique

La révolution de l’apprentissage informatique en France ne se limite pas aux écoles et aux entreprises. Elle touche aussi un enjeu sociétal majeur : l’inclusion numérique.

Une partie de la population reste en effet en difficulté face aux outils numériques : personnes âgées, populations rurales, foyers modestes. Pour répondre à ce défi, l’État et les collectivités locales ont lancé des programmes visant à réduire la fracture numérique. Des médiateurs numériques, des espaces publics numériques et des associations accompagnent les citoyens dans l’usage des ordinateurs, des smartphones et des services en ligne.

Cette dimension inclusive est essentielle pour que la révolution numérique profite à tous, et non seulement à une élite.


8. La France face à la compétition internationale

Si la France a accompli des progrès considérables, elle reste confrontée à une forte compétition internationale. Les États-Unis, la Chine, l’Inde ou encore l’Allemagne investissent massivement dans la formation aux métiers du numérique.

Pour rester compétitive, la France doit non seulement multiplier les formations, mais aussi renforcer l’attractivité de ses filières et encourager la recherche en intelligence artificielle, cybersécurité et technologies émergentes. Le rapport Villani sur l’IA (2018) a d’ailleurs souligné l’importance stratégique de former des talents dans ce domaine.


9. Les perspectives : vers une société numérique apprenante

La révolution de l’apprentissage informatique est encore en cours. À l’avenir, plusieurs tendances devraient se confirmer :

  1. L’apprentissage tout au long de la vie : face à l’évolution rapide des technologies, les compétences doivent être régulièrement mises à jour.
  2. La généralisation du code : apprendre à programmer pourrait devenir aussi banal que savoir écrire ou compter.
  3. L’intégration de l’IA dans la pédagogie : les outils d’intelligence artificielle permettront d’individualiser les parcours d’apprentissage.
  4. Une hybridation entre présentiel et en ligne : les formations alterneront de plus en plus les cours physiques, les ateliers pratiques et les modules digitaux.

Cette évolution transforme profondément la société française, où le numérique devient une composante essentielle de la citoyenneté, de l’emploi et de la culture.


La révolution de l’apprentissage informatique en France marque un tournant historique. Après des débuts hésitants dans les années 1980, le pays a progressivement intégré le numérique dans son système éducatif, son économie et sa société. Aujourd’hui, grâce à la diversité des acteurs publics, privés et associatifs, l’informatique est devenue accessible à tous, des enfants aux adultes en reconversion.

Ce mouvement n’est pas seulement une réponse aux besoins du marché du travail ; il reflète une transformation culturelle profonde, où le numérique est perçu comme un langage universel, une clé pour comprendre et agir dans le monde contemporain.

La France, en misant sur une formation inclusive, innovante et continue, dispose désormais des atouts pour relever les défis de l’ère digitale et participer activement à la construction d’une société numérique apprenante.